lundi 26 mars 2012

TEAM ONE - Episode 34

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “En la serrant, cette main fine et soignée, à l’étreinte sincère, Salomon oublia ce pour quoi il était venu, Mme Cohen fut effacée de son esprit, qui le ramena soudain dans son enfance, lorsque David et lui jouaient dans le jardin du manoir. Un jour, Salomon était allé se cacher dans une petite cabane où le jardinier rangeait ses outils. Il n’avait pas allumé l’ampoule électrique, n’avait pas croqué dans la pomme que lui avait donné la mère de David pour le goûter, pour ne pas se faire repérer. Silencieux comme un Sioux aux aguets, il avait fini par s’endormir contre la porte. A son réveil, il s’était rendu compte que David, sans doute lassé par le jeu, était rentré dans la maison et l’avait laissé seul, dehors. Il faisait nuit à présent, et, manifestement, personne au manoir n’avait remarqué son absence.” (Alice Bé)


(Suite de l’histoire n°2) “Heisenberg referma la porte du bureau de Monsieur Sheep. Il vérifia dans sa poche de veste s‘il avait repris son carnet. Le carnet était bien là, noirci consciencieusement par les nombreuses notes qu’il avait consignées, écoutant patiemment le récit décousu de celui qui était désormais son client. Quelle étrange affaire! Il avait appris à toujours laisser les victimes donner leur version des faits. Il avait appris à conduire un interrogatoire sans forcer la main du plaignant. L’état de confusion de Sheep l’avait incité à ne rien censurer:il analyserait cela plus tard, verrait ce qui est exploitable. Il s’arrêta au pied de l’escalier: si une parcelle seulement de cette histoire extravagante était vraie, alors ce serait assurément l’affaire du siècle. Alors qu’il s’apprêtait à remonter à la surface, Heisenberg perçut un mouvement du coin de l’oeil, il entendit un bruit de pas, ressentit un choc sévère, et sombra dans l'inconscience.
***” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “J'attends. Je continue à attendre. Le jour se lève, un jour gris et froid. Je suis pris d'un grand sentiment de découragement. Il ne vient pas, il ne viendra pas. Que faire, alors ? "Sur le pont à cinq heures", m'a dit Boulier. Si ce n'est pas ici et maintenant, où ? et quand ?
Mais je n'ai pas le temps de sombrer dans la mélancolie. Les voitures sont de plus en plus nombreuses, et leur vrombissement ne s'interrompt désormais presque jamais. Pourtant, brusquement, survient un moment d'accalmie. Aucune voiture ne passe pendant plusieurs secondes, et un silence profond se répand sur le pont des Arts. J'entends brusquement des pas derrière moi, provenant de la rive gauche. Je fais volte-face, et j'aperçois au loin une silhouette que je ne peux identifier. Je ne peux même pas encore dire si c'est un homme ou une femme : ce n'est, pour l'instant, d'où je suis, qu'une figure mince, et qui s'avance à pas très lents, mesurés.” (FG)


(Suite de l’histoire n°4) “— Mais tu peux quand même pas nous mettre tous les deux dans le même sac !
— Si je peux.
— Coralie…, souffla Jean-Jesus.
— Cassez-vous… », gronda-t-elle comme l’orage qui couve au loin.
Les deux géants quittèrent, penauds, la maison de la jeune femme et s’en retournèrent chez eux.
Jean-Jesus, dans la maison adjacente.
Antoine, à l’hôtel Sheraton de l’aéroport.

***

À travers le mur, on entendait les ronflements de sa mère, longs, paisibles et profonds. Il rêvait à d’innombrables serrures derrière lesquelles on découvrait à chaque fois Coralie. Elle enlevait ses bas, coupait les ongles de ses pieds dans le bidet, dégrafait son soutien-gorge, prenait une douche, embrassait un homme, dormait en ronflant… Inaccessible.” (Louis Butin)


(Suite de l’histoire n°5) “Le petit appartement qu'Arrow habitait au complexe donnait sur le parking ; au-delà, les baies lumineuses de la salle de sport et les trois mâts clignotants du petit aérodrome. Puis la ligne rouge des canyons. C'était son monde depuis cinq ans. Quand ils furent rentrés du lac — c'était leur jour de congé, ils avaient dîné avec Peony et son compagnon du moment, un ranger qui venait tous les deux soirs de Russell's Hole passer la nuit chez elle — Arrow rendit visite à Deirdre, non sans avoir pris la précaution de coincer la porte au moyen de son dictionnaire anglais-japonais. La brebis se laissa cajoler cinq bonnes minutes, avant de pousser un bêlement lamentable.
— À ta santé, van Doorn, grommela Arrow, qui n'avait toujours pas repéré la caméra peut-être dissimulée dans son labo.
Il repartit, l'ordinateur portable sous le bras, s'installa sur la petite terrasse de l'appartement — l'air était tiède, le ciel fuligineux et sans étoiles. À l'étage inférieur, on fumait de l'herbe. Qui était-ce, déjà ? Ah, Stoppard, le généticien. Arrow eut la tentation de se pencher pour lui demander quelques feuilles, à charge de revanche. Au lieu de quoi, étouffant un bâillement impatient, il se connecta sur le Livre.” (Dragon Ash)