lundi 26 mars 2012

TEAM ONE - Episode 24

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Une voix terne lui répondit. Celle du majordome, qu’il connaissait bien.
- Résidence De Quiche, j’écoute ?
- Bonjour, je suis Salomon Aleichem, le répétiteur, je voulais confirmer que je venais bien cet après-midi à trois heures pour la leçon de Monsieur Alphonse.
- La leçon a été annulée, Monsieur.
- Ah, bien, je… Quand Madame souhaite-t-elle que je vienne ?
- Madame n’aura plus besoin de vos services, Monsieur. Je vous souhaite le bonjour.
Salomon resta un instant immobile devant la cornette qui sonnait dans le vide. Son visage était sombre. Il sortit du troquet, les yeux rivés au sol, passa à côté d’enfants qui jouaient près d’une fontaine sans les voir. Il se sentait écrasé par une grande ombre sans visage.” (Alice Bé)


(Suite de l’histoire n°2) “Il conservait cette obsession de la vérité, cette fascination pour l’inconnu et cet espoir de clarté qui l’avaient poussé, sa carrière entière, comme un torrent qui ne connaîtrait ni retenue, ni barrage, à enquêter, interroger, questionner, analyser, transcrire et conjecturer. Il craignait la personne de Sheep. Mais il se faisait fort de résoudre son affaire. Il se redressa.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Idéalement, dès que l'avion aura atterri, j'essaierai donc de prendre contact avec lui. Mais comment faire ? Je n'ai aucun moyen de le joindre ; la seule qui le sache est Reinette, et elle ne répond plus à mes messages. En fait, à bien y penser, je ne sais même plus très bien à quoi il ressemble : si je le voyais par hasard dans la rue, est-ce que je le reconnaîtrais ?
Je regarde, par le hublot, ce ciel perpétuellement radieux qui est celui des hautes altitudes. Là-bas, loin en dessous de nous, s'étale un grand tapis de nuages. Voilà, c'est décidé, il faut que je retrouve Jean Locus. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis persuadé que lui seul peut me dire, m'expliquer la situation. Lui seul peut me dire pourquoi Reinette, normalienne, spécialiste des affaires étrangères, a brusquement démissionné de son poste d'enseignant-chercheur ; lui seul peut me dire ce qu'elle fait avec un réalisateur qui se spécialise dans les films d'aventure ineptes.Certes, même si je réussis à trouver Locus, il n'aura peut-être rien à me dire ; il ne me dira peut-être que des évidences. Il ne me permettra peut-être que de me prouver à moi-même que mon imagination est trop active, que je m'invente des histoires à dormir debout.” (FG)


(Suite de l’histoire n°4) “Mais elle, Coralie, le comprendrait-elle ? Depuis le temps qu’ils se connaissaient, il avait peur qu’elle ne l’ait jamais compris.
Il savait le regard qu’on portait sur lui : cet air interloqué, dubitatif, ces visages cadenassés. Toujours, on le dévisageait avec méfiance. Les femmes, plus encore. On le toisait depuis les pieds jusqu’à la tête, intervalle de deux mètres d’une vision suspecte.
Coralie. Elle seule avait un peu de bienveillance pour lui.
Ses cheveux mousseux, elle les lui avait touchés une fois, sous une tente, chez les scouts, et elle lui avait dit, l’éblouissant avec sa lampe torche : « t’es marrant Jiji, t’es comme une créature de Tolkien ou de jeux de rôles, et pourtant, tu es ni un elfe, ni un nain, ni un orque… un genre d’être des bois et des fontaines… hihi, et tu parles comme un poisson, un poisson-clown : mpoh, mpoh ! » Elle avait mimé la bouche du poisson, agrandissant ses yeux tout ronds sous les lunettes.
Le lendemain, elle avait tenu un long conciliabule avec ses copines. Celles-ci ne cessaient de le désigner du menton, du coin de l’œil et même du doigt. Puis elle vint le voir : « elles ont dit que c’est toi ou elles. Désolé, Jiji… Essaie de te faire quand même des copains… Parle un peu, peut-être… Tu sais, ils vont pas te manger… »” (Louis Butin)


(Suite de l’histoire n°5) “— Si tu veux mon avis, c'est le patron qui t'a fauché les clefs.

— Quelle idée, maugréa Arrow, qui n'avait toujours pas rouvert les yeux.

Le soleil était si intense qu'il lui semblait voir à travers ses paupières.

— Non qu'il se méfie de toi. Mais je crois qu'il mène des expériences sur nous.

— Qui ça, nous ?

— Toi, moi, et Lucia Woodland Spring.

Arrow frémit de tout son corps et roula sur lui-même. Là, tout doux. Il souleva prudemment la paupière gauche. Sable rouge. Folles irisations sur le cadran de sa montre. Dix-sept heures vingt-cinq. La droite, maintenant. L'ombre de Mad Hunter, noire et dentelée.

— Qu'est-ce qui te fait dire que le patron fait des expériences sur ses… spécimens indigènes, Hunter ?

— Chut, siffla l'autre. Tu m'accompagnes à Lake Purity ? Il faut que j'aille chercher des lignes à Area 51. Je te raconterai un truc en route.

Arrow se releva, les mains dans les poches, les yeux plissés. L'immeuble blanc du labo lui dissimulait les trois cônes bleuâtres des Three Peaks.

Mad Hunter avait racheté l'année précédente un bus scolaire dans lequel il dormait quand les nuits n'étaient pas trop chaudes. Il l'avait repeint en blanc et réaménagé. "Ça me donne un peu de liberté", expliquait-il.

— Écoute, dit-il lorsqu'ils eurent franchi l'enceinte de la base. Il y a trois jours, j'avais besoin d'un truc au labo 7, le labo des singes. Il n'était pas loin de minuit, et je suis passé chez Lucia pour qu'elle me prête sa carte. Quand je suis entré dans son bureau, j'ai vu de la lumière par la vitre. De la lumière du côté des singes…

Il alluma un cigarillo, renifla avec vigueur.” (Dragon Ash)